La création d’un syndicat secondaire ne résulte pas de plein droit d’une gestion autonome d’un bâtiment avec spécialisation des charges prévue au règlement de copropriété (Arrêt n°185 du 14 mars 2019 (18-10.214) – Cour de cassation – Troisième chambre civile)
En vertu de l’article 27 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, un syndicat secondaire peut être constitué lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâtiments distincts pouvant faire l’objet d’une gestion autonome.
Le syndicat secondaire ainsi doté de la personnalité civile aura pour objet d’assurer la gestion, l’entretien et l’amélioration interne du bâtiment.
Il convient de préciser que l’article 27 de la Loi susvisé précise que les copropriétaires réunis en assemblée spéciale peuvent décider, aux conditions de majorité prévues à l’article 25, la constitution d’un syndicat secondaire.
Qu’en est-il lorsque le règlement de copropriété prévoit, au sein d’un ensemble immobilier composé de deux bâtiments distincts, une gestion autonome de chaque bâtiment avec spécialisation des charges ?
Le syndicat secondaire est il nécessairement, mais implicitement constitué par le règlement de copropriété ?
1. La création d’un syndicat secondaire de copropriété ne se caractérise pas par la seule gestion autonome d’un immeuble
Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision de la Cour de cassation, les magistrats répondent par la négative.
Pourtant, la solution juridique retenue par la Cour d’appel pouvait paraître cohérente avec l’articulation des autres dispositions du règlement de copropriété. En effet, la Cour d’appel avait considéré que :
« l’ensemble immobilier comprend deux immeubles collectifs et que l’article 5 du règlement de copropriété indique que les charges communes de chaque immeuble collectif comprendront toutes les dépenses nécessitées par la jouissance commune de cet immeuble, qu’il en résulte que ce règlement a prévu une gestion autonome du bâtiment B avec spécialisation des charges, laquelle a abouti à l’existence d’un syndicat secondaire, peu important que le terme syndicat secondaire n’ait pas été employé dans le règlement »
Or, la Cour de cassation n’adopte pas ce raisonnement et décide que :
« La circonstance que le règlement de copropriété prévoie des parties communes spéciales et que soient appelées des charges spéciales sur lesquelles seuls les copropriétaires concernés sont appelés à délibérer ne suffit pas à caractériser la création d’un syndicat secondaire des copropriétaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés; »
Cette décision est à rapprocher d’un arrêt en date du 18 janvier 2018 par lequel la Cour de cassation avait déjà jugé que :
« La division d’un lot de copropriété ne peut avoir pour effet de donner naissance à un nouveau syndicat des copropriétaires » (Cass. Civ. 3e, 18 janv. 2018, n°16-26.072).
Dans cette affaire, un immeuble composé de deux lots distincts a été placé sous le régime de la copropriété « horizontale ». Par suite, l’un des lots a été subdivisé en deux lots créant ainsi, dans l’esprit des copropriétaires, une copropriété verticale distincte de la copropriété horizontale.
En conséquence, un nouveau règlement de copropriété propre à ces lots avait été adopté et un syndicat avait été constitué.
Ces deux syndicats de la copropriété verticale et horizontale avaient fonctionné pendant vingt-sept ans.
Certains copropriétaires, non satisfaits de la répartition des charges, décidèrent de contester l’existence même du syndicat.
La cour d’appel jugeait néanmoins que « la naissance de cette copropriété verticale implique nécessairement la mise en place d’un syndicat des copropriétaires autonome par rapport au syndicat de la copropriété horizontale, improprement intitulé “secondaire” »
Or, la Cour de cassation décidait de casser l’arrêt de la Cour d’appel au motif que « la division d’un lot de copropriété ne peut avoir pour effet de donner naissance à un nouveau syndicat des copropriétaires ».
Autrement dit, la création d’un syndicat secondaire doit être explicite et ne saurait être déduite des stipulations du règlement de copropriété instituant une gestion autonome du bâtiment ou résultant d’une subdivision de lots induisant un fonctionnement spécifique de l’immeuble distinct.
2. La Cour de cassation dépossède les copropriétaires d’une décision d’autonomie
Cette solution prétorienne de la Cour de cassation paraît critiquable.
En effet, il convient de rappeler que le règlement de copropriété est un document contractuel.
Or, il résulte de l’article 1188 du Code civil tel que modifié par l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 2 que :
« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. »
Or, il peut raisonnablement être considéré qu’en instituant une gestion autonome d’un bâtiment distinct avec spécialisation des charges, les copropriétaires ont entendu, implicitement, mais nécessairement instituer un syndicat secondaire.
Ce raisonnement serait d’ailleurs parfaitement cohérent avec la théorie de la réalité des personnes morales consacrée par les célèbres arrêts anciens de 1891 et 1954 rendus par la Cour de cassation et dont il peut être rendu hommage tant la hauteur de vue poussait à l’admiration (Req. 23 février 1891. – II. Civ., 2e sect. civ. 28 janvier 1954) :
« Il est de l’essence des sociétés civiles aussi bien que des sociétés commerciales de créer, au profit de l’individualité collective, des intérêts et des droits propres et distincts des intérêts et des droits de chacun des membres ; » (1er arrêt).
« D’ailleurs, la personnalité morale n’est pas une création de la loi ; elle appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être reconnus et protégés par la loi. Et, si le législateur a le pouvoir de priver de la personnalité telle catégorie de groupements, il en reconnaît au contraire implicitement, mais nécessairement l’existence en faveur d’organismes créés par lui-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs, tels les comités d’établissement créés par l’article 21 de l’ordonnance du 22 février 1945 » (2e arrêt).
Ces grands arrêts ont été rendus à une époque, sans doute, où les grands principes juridiques foisonnaient au terme de controverses doctrinales commandaient la solution de l’espèce.